Repenser notre travail
En matière de planification écologique, la question des ressources humaines est rarement identifiée comme une priorité. On se concentre souvent sur les ressources énergétiques, les ruptures technologiques, les révolutions dans le domaine des infrastructures… en évoquant peu ou pas les compétences associées à ces tendances qui vont pourtant transformer nos modes de vie et de travail. 👷♂️👩🔬
Il est indéniable que les défis de la transition ne pourront être relevés sans une main-d’œuvre formée et qualifiée. Quel sera l’impact pour nos métiers ? Faut-il craindre des destructions massives dans les industries polluantes et/ou des délocalisations en raison de la hausse des coûts de production? Doit-on appliquer la notion populaire « d’actifs échoués », (c’est-à-dire sans valeur, du fait de leur incompatibilité avec une économie bas carbone), à certaines professions ? Ou pouvons-nous au contraire, espérer de nouvelles opportunités, avec le développement de nouvelles filières et d’emplois « verts » ?
Un impact limité en agrégé
Une littérature abondante existe à propos de l’impact de la transition écologique sur le monde du travail, s’appuyant sur de nombreuses études. Si des incertitudes quant au scénario de la transition rendent les estimations difficiles, un consensus se dégage autour d’un impact net total relativement limité en termes de quantité d’emplois, les destructions dans certains secteurs étant compensées par de nouveaux besoins.
De même, les conséquences sur les niveaux de qualification sont, dans la plupart des scénarios étudiés, minimes, tordant le cou à une idée souvent rebattue d’une polarisation du marché du travail entre les cols bleus et blancs qui continuerait de s’aggraver. En effet, les destructions comme les créations d’emplois anticipées concerneront tous les niveaux- des ouvriers aux cadres – avec, dans certaines filières, une revalorisation globale des compétences et qualifications (la gestion des déchets, par exemple).
Des rotations sectorielles d’ampleur
Des réallocations significatives sont en revanche à anticiper à l’échelle des secteurs, dépassant nettement les seules filières « vertes » et activités polluantes.
Dans un rapport thématique portant sur les impacts macroéconomiques de la transition climatique, commandité par Elisabeth Borne et coordonné par l’économiste Jean Pisany-Ferry, la direction statistique du ministère du Travail (Dares) et France Stratégie ont identifié plusieurs secteurs et métiers bénéficiaires.
Les conclusions de ce rapport sont, dans l’ensemble, alignées avec les travaux menés par le think tank du Shift Project dans un chapitre consacré à l’emploi au sein du Plan de Transformation de l’Economie Française (PTEF), un vaste programme opérationnel proposé par les experts du think tank pour conduire la France vers la neutralité carbone. Ce Plan étudie de manière très détaillée les incidences de la transition sur 12 millions d’emplois à plein temps, soit environ 45% de la population active française en 2018.
Les rapports distinguent plusieurs secteurs particulièrement impactés par la transition :
Logement/ construction 🏠
Les scénarios de France Stratégie/ Dares et du PTEF s’accordent sur une hausse nette des emplois à prévoir dans ces secteurs.
Le PTEF prévoit une croissance modérée où la forte contraction de constructions neuves (- 190 000 emplois) serait compensée par les besoins en matière de rénovation énergétique (+ 100 000 emplois, qui pourraient partiellement être issus de reconversions de postes de la construction).
Le rapport métiers en 2030 anticipe une création de 50 000 emplois uniquement dédiés à la R&D, l’ingénierie et la maintenance des équipements et infrastructures en lien avec la transition énergétique.
L’impact sur l’agriculture est plus débattu 🌾.
Le PTEF prévoit ici la plus forte hausse sectorielle, + 500 000 emplois d’ici 30 ans, ce qui serait un retour aux effectifs de la filière dans les années 1990.
Cette croissance passerait pas une relocalisation des productions de fruits & légumes (+ 366 000 emplois) et la généralisation de pratiques agroécologiques (+ 133 000 emplois), inversant la tendance actuelle aux importations.
Le scénario de France Stratégie est plus mesuré et prévoit 9 000 emplois supplémentaires dans un scénario bas-carbone d’ici 2030.
L’énergie ⚡
A l’échelle mondiale, l'Agence Internationale de l'Energie prévoit que le scénario Net Zéro pourrait entraîner une augmentation nette de 9 millions d'emplois d’ici 2050.
Pour la France, le PTEF se concentre sur les métiers liés à production électrique – soutenue par une hausse de la consommation attendue de 20% d’ici 2050. Le Plan estime que ce besoin génèrera 15 000 emplois additionnels à horizon 2050.
Sans surprise, ce sont les filières d’énergies renouvelables qui sont en plus forte augmentation entre 2017 et 2050, comme illustré par la comparaison des deux graphiques ci-dessous :
Le rapport de France Stratégie anticipe des besoins accrus pour certains métiers « experts » dans l’énergie (par ex. chef de projet ENR, ingénieur étude hydrogène, conseiller énergie), ainsi que des métiers traditionnels dont les attributs se complexifient (par ex. les métiers de techniciens).
Si des destructions d’emplois majeures sont à prévoir dans les industries fossiles, les études estiment que la transférabilité intersectorielle entre les filières énergétiques est relativement élevée, notamment pour la construction de réseaux sous-marin et de plateformes offshores, mais aussi en matière de technologies liées au captage de carbone.
Les transports 🚆
L’automobile 🚗 serait, selon le PTEF, l’industrie la plus négativement impactée par la transition en termes d’emploi, avec une perte nette de plus de 350 000 postes, soit près de 40% des effectifs actuels en France. Ce phénomène, (s’expliquant par un moindre recours aux voitures prévu dans les scénarios du PTEF, ainsi que par l’électrification du secteur qui demande moins de pièces et de main d’œuvre) pourrait être partiellement amorti par une relocalisation de la production de batteries et d’infrastructures de recharge.
Le secteur du vélo 🚲 (électrique et traditionnel) pourrait créer, selon le PTEF plus de 230 000 emplois. Cette croissance passerait par une sophistication et relocalisation de la filière : des vélos plus qualitatifs et durables.
Les emplois perdus dans l’aviation ✈️ (40 000) devraient, selon le PTEF, être intégralement reportés vers le secteur ferroviaire.
Pour le transport de marchandises 🚚, le Plan anticipe 100 000 chauffeurs routiers de moins avec, à l’inverse, 100 000 emplois créés dans la cyclo-logistique pour le dernier km.
Les services aux entreprises 🏢 seraient, selon le rapport de France Stratégie, favorablement impactés, avec un besoin accru dans les métiers d’ingénierie et de recherche, ainsi que dans les secteurs juridiques, financiers et comptables (on pense notamment aux obligations induites par le reporting extra-financier et le phénomène de judiciarisation de la RSE).
Le rapport de France Stratégie anticipe des besoins accrus pour certains métiers « experts » dans l’énergie (par ex. chef de projet ENR, ingénieur étude hydrogène, conseiller énergie), ainsi que des métiers traditionnels dont les attributs se complexifient (par ex. les métiers de techniciens).
Si des destructions d’emplois majeures sont à prévoir dans les industries fossiles, les études estiment que la transférabilité intersectorielle entre les filières énergétiques est relativement élevée, notamment pour la construction de réseaux sous-marin et de plateformes offshores, mais aussi en matière de technologies liées au captage de carbone.
Les transports 🚆
L’automobile 🚗 serait, selon le PTEF, l’industrie la plus négativement impactée par la transition en termes d’emploi, avec une perte nette de plus de 350 000 postes, soit près de 40% des effectifs actuels en France. Ce phénomène, (s’expliquant par un moindre recours aux voitures prévu dans les scénarios du PTEF, ainsi que par l’électrification du secteur qui demande moins de pièces et de main d’œuvre) pourrait être partiellement amorti par une relocalisation de la production de batteries et d’infrastructures de recharge.
Le secteur du vélo 🚲 (électrique et traditionnel) pourrait créer, selon le PTEF plus de 230 000 emplois. Cette croissance passerait par une sophistication et relocalisation de la filière : des vélos plus qualitatifs et durables.
Les emplois perdus dans l’aviation ✈️ (40 000) devraient, selon le PTEF, être intégralement reportés vers le secteur ferroviaire.
Pour le transport de marchandises 🚚, le Plan anticipe 100 000 chauffeurs routiers de moins avec, à l’inverse, 100 000 emplois créés dans la cyclo-logistique pour le dernier km.
Les services aux entreprises 🏢 seraient, selon le rapport de France Stratégie, favorablement impactés, avec un besoin accru dans les métiers d’ingénierie et de recherche, ainsi que dans les secteurs juridiques, financiers et comptables (on pense notamment aux obligations induites par le reporting extra-financier et le phénomène de judiciarisation de la RSE).
Les facteurs de succès
A l’heure où nous nous heurtons à une problématique de finitude des ressources naturelles, le développement de ressources humaines adaptée à la transition apparait plus que jamais comme un enjeu crucial.
Les opportunités pour repenser le monde du travail à la lumière de la transition sont nombreuses. Néanmoins, l’exercice exigera une planification rigoureuse, structurée autour de plusieurs axes
.De très gros besoins en matière de formation initiale et continue devraient être soutenus. Si les transferts de compétences sont possibles et souhaitables, les reconversions ne pourront se faire facilement sans des politiques publiques ambitieuses afin de revaloriser les compétences.
Une étude récente du FMI a ainsi démontré que la probabilité de passer d’une activité polluante à un secteur « vert » reste très faible, de l’ordre de 4 à 7%, alors que l’inverse est de l’ordre de 41 à 54%.
Au-delà des efforts collectifs, que faire pour organiser la transition du travail à notre échelle ? Consultez le numéro 10 de notre newsletter pour des pistes de solutions immédiates.